Un très beau spectacle plébiscité par la presse nationale.
A l'occasion de l'inauguration de l'exposition "L'Indre à l'épreuve de la Grande Guerre" qui aura lieu à Eguzon, la samedi 24 mai, à partir de 18 heures, au musée de la vallée de la Creuse, nos amis d'Aequoranda (avec en particulier Dominique et Francis, qui seront présents sur Eté 1915) présentent à la Salle des Fêtes d'Eguzon, Je vous écris de la tranchée, un spectacle autour des lettres de plusieurs poilus. Par ailleurs, le samedi 10 mai, à l'Auditorium de la MEL, Aequoranda accueille Jean-Paul Audrain et la compagnie de l'Ours, pour De Profundis, d'Oscar Wilde.
Un très beau spectacle plébiscité par la presse nationale.
0 Comments
Comme le dit fort justement le site de la Mission Centenaire, "La Première Guerre mondiale fut le premier conflit à être massivement photographié. À côté des images officielles et des clichés des reporters de presse, ce sont les photographies des amateurs qui vont faire émerger une nouvelle culture visuelle de la guerre." Un exemple en est donné avec Frantz Adam, médecin d'origine alsacienne : "Regarder la guerre, la montrer sans la maquiller, c’est à quoi s’attache pendant quatre ans Adam avec son appareil portable, un Kodak Vest pocket, quand il ne secoure pas les innombrables victimes de son régiment, le 23ème R.I. Il circule en permanence des tranchées à l’arrière-front, donnant à voir les destructions et les souffrances d’un monde en guerre et les images fugaces mais prégnantes de la camaraderie humaine : Vosges en 1915, Somme et Verdun en 1916, Chemin des Dames en 1917, libération de la Belgique, entrée en Alsace… Patriote proclamé, humaniste revendiqué, Adam est psychiatre de formation. Son regard sur la guerre est empreint d’empathie avec ses camarades ainsi qu’à l’égard des soldats alliées et des prisonniers ennemis. Les Allemands n’apparaissent jamais, dans son objectif, comme des trophées de guerre. Il aura fallu un siècle pour que ses prises de vues, la plupart inédites, soient enfin rassemblées à l’initiative de l’Agence France-Presse pour être présentées dans un ouvrage « Ce que j’ai vu de la Grande Guerre », aux éditions La Découverte, avec le label de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Le site présente une sélection de ces photographies. Du côté anglo-saxon, le site du journal américain The Atlantic propose une saisissante galerie de photos grand format, déclinée en dix séries de clichés, paraissant chaque dimanche à venir jusqu'au 29 juin. La première vient donc d'être publiée, intitulée Introduction.
Issues de plusieurs banques de données à travers le monde entier, ces photographies donnent plus que jamais à voir et à réfléchir. Le printemps est là, triomphant, ce qui veut dire que l'été n'est plus très loin, et mon petit doigt me dit que certains s'inquiètent, qui ne voient plus rien venir. Il est vrai qu'en ce qui me concerne j'ai été assez discret sur ce site depuis février. Néanmoins, dans l'ombre, les choses ont avancé. La distribution est à l'heure actuelle pratiquement établie, du moins en ce qui concerne les rôles des adultes (les rôles des enfants ne seront attribués qu'à l'issue des premières répétitions). Elle sera prochainement envoyée à tous, en même temps que le planning prévisionnel. J'ai concocté celui-ci en me référant à celui de 2006. Bien que commençant plus tôt (le 24 juillet - et non le 26 comme l'indiquent tous les projets d'affiche, et en 2006, nous avions débuté le 27), le nombre de jours de répétitions est le même, pourvu que nous entamions la série le dernier week-end de juin. L'affiche n'est pas encore choisie. D'autres projets ont été présentés (merci à ceux et celles qui ont œuvré), mais le choix n'a pas encore été validé. Vous pouvez retrouver l'ensemble des propositions sur le site du Manteau d'Arlequin. N'hésitez pas à donner votre avis. Je signale que le texte a encore été remanié (très légèrement) et que sa dernière mouture est disponible à la page texte de ce site (cliquez sur le centre du lecteur pour l'avoir en plein écran, vous pouvez ensuite le télécharger). Il me semble important que nous commencions les répétitions avec les textes sus, appris par cœur, afin que nous soyons débarrassés des brochures ; ainsi nous pourrons progresser plus vite. A part ça, côté documentation, je signale la belle exposition virtuelle de la BnF. Allez donc voir par exemple du côté des cahiers de Louis Barthas, dont celui de Verdun est reproduit : Quelques nouvelles du projet, en vrac.
Assisté mercredi en 12 à la réunion aux Archives départementales du comité Centenaire . Beaucoup de gens étaient présents qui organisent quelque chose autour de la commémoration de la Grande Guerre. Expositions, publications, spectacles. J'ai présenté à mon tour Eté 1915, et personne ne s'est opposé à sa labellisation. Pour savoir ce que cela signifie véritablement, lire ici. Le mardi précédent, j'avais retrouvé aux ruines Niko et Yvan pour un petit tour d'horizon en vue de l'implantation des lumières. Terrain bien détrempé après les nombreuses pluies des derniers jours, portes métalliques vertes bouchant les ouvertures de la maison du Seigneur (c'est la première fois que je les découvrais), petite brise aigre, nous étions bien loin encore de l'été rayonnant dont j'espère que nous serons gratifiés. Location des costumes effectué par Fanette chez Maratier, notre fournisseur attitré depuis 2006. La demande étant plus forte qu'alors vu le contexte, nous n'avons pas voulu prendre de risques. L'uniforme de poilu avec tout son équipement, c'est impossible à réaliser en si peu de temps. J'ai terminé la carte des poilus cluisiens. On peut la consulter directement à cette page, ou à la page Cluis 14-18 du blog. Seuls neuf hommes dépourvus de fiche, et dont je n'ai pas trouvé trace au cimetière, ne sont pas répertoriés. Sinon, c'est 81 jeunes hommes qui ont chacun une notice, de Fernand Follereau, mort le 20 août 1914 à Sarrebourg, à Maurice Hyvernaud, tué le 26 octobre 1918, dans les Ardennes, quelques jours avant l'armistice. Ils avaient respectivement 21 et 26 ans. Les repères sur la carte correspondent au lieu où ils ont trouvé la mort, dessinant dans leur accumulation la ligne tragique du front. Certains sont morts dans les hôpitaux des suites de leurs blessures ou bien de maladies contractées au cours des combats. N'oublions pas (il faut dézoomer sur la carte) les deux soldats morts aux Dardanelles, en Turquie, à Sedulbahir : Joseph Micat et Charles Bonnaire. Des liens sur les notices renvoient sur les journaux de marche ou les historiques de régiments. Voilà. Une exposition aura lieu cet été au Syndicat d'initiative. Un appel a été lancé aux habitants de la commune pour rassembler des témoignages autour de ces 90 poilus, dont la mémoire est encore bien fragmentaire (une seule photo, je le rappelle, pour l'instant). Une lettre, une carte postale, un simple objet, de cela je suis encore en attente. Voici la première image de l'un des 90 poilus cluisiens, la seule encore à ce jour. Il s'agit de Jean Fleury, mort le 5 avril 1915 à la forêt d' Apremont. C'est du moins ce qui est indiqué sur la tombe, car c'est l'un des dix soldats dont je n'ai pas retrouvé la fiche sur le site Mémoire des Hommes. Sur le monument aux morts, il est bien mentionné un Jean-Baptiste Fleury mort en 1915, et même un Alexandre Fleury, dont je n'ai pas vu la sépulture dans ce cimetière de Cluis que j'ai donc arpenté en long, en large et en travers à la recherche des poilus de la commune. Seule image, ai-je dit, et l'on a peine à croire devant ce portrait figé, aux paupières tombantes, qu'il s'agit du jeune homme dont l'âge - 25 ans - est inscrit sur la pierre. Par ailleurs, je n'ai retrouvé la trace que de quinze poilus. C'est bien peu par rapport au nombre total, et il est certain que les autres reposent soit dans les nécropoles nationales près de l'endroit où ils sont tombés, soit dans la terre même de leur agonie, car quelques-uns sont sont notés disparus sur la fiche matricule. J'ai photographié chacune de ces tombes, et même celle d'un jeune officier mort à Forbach lors de la guerre de 1870. Le vent soufflait dans les allées, emmenant loin vers l'est les lourds nuages de la nuit. Pendant tout ce temps, je ne croisai personne. " Je marche avec les marcheurs d'Henri Barbusse dans "Le Feu". Je marche dans un imaginaire tellement présent que je puis dire que je marche à côté d'eux, et que je me sens vraiment avec eux, couvert de boue, de poux et de sang.
Ce sont de drôles de marcheurs et si c'est ça l'humanité en marche, je préfèrerais qu'elle s'immobilise définitivement et qu'on n'en parle plus ! Je marche donc dans le Feu, dans la boue et dans le sang, déjà dit, mais on ne le répètera jamais assez, à mon goût. Nous sommes en 1915. Je ne suis pas né et je marche, rétroactivement, par la magie de l'écriture. Mes deux grands-pères ont marché dans les tranchées, dans les attaques, contre qui ? La savaient-ils ? Ils ont surtout marché dans la combine, et sans savoir, et leur obéissance contient quelque chose de grandiose : "Ah c'était le travail qui continuait ! Il le fallait !..." disait mon grand-père maternel. Je crois que c'est à cause des sillons. Un sillon, ça se trace et puis ça se suit. De temps en temps, on l'abreuve avec du sang. Ça fait pousser les Croix de Bois et les médailles qui vont avec." (...) Extrait du livre de Rolland Hénault, Oeuvres presque posthumes, p. 22. Sur cet ouvrage, j'ai déjà écrit quelque chose ici. Je suis abonné depuis plusieurs années aux Notules dominicales de culture domestique, que son auteur présente ainsi sur le site dédié : "Recension critique hebdomadaire des livres lus pendant la semaine,
accompagnée d'un aperçu sur certains chantiers en cours et de quelques considérations plus ou moins inintéressantes sur ma trépidante existence." Ce qui donne le ton... Spinalien (autrement dit habitant d'Epinal dans les Vosges, dont il ne manque pas de supporter la brillante équipe de foot qui stagne en division inférieure), l'auteur, professeur de français en collège, marié à une pharmacienne, déroule chaque dimanche la chronique ironique, modeste et tendre de ses chantiers littéraires et paralittéraires. Son Invent'Hair, par exemple, ne manque pas de charme, qui consiste à recenser les salons de coiffure à jeux de mots, espèce prolifique. De nombreux contributeurs lui envoient leurs propres trouvailles. Dans un bilan récent, il s'avérait que seuls quelques départements n'étaient pas entrés dans sa base de données, dont l'Indre faisait hélas partie ; aussi me suis-je fait un devoir de lui expédier un cliché du salon Hair marins, sis bien entendu Avenue des Marins à Châteauroux. Ce dont il m'a remercié avec chaleur. Autre chantier : l'IPAD, autrement dit l' Itinéraire Patriotique Alphabétique Départemental. Chaque fin de semaine, notre homme va enquêter sur le monument aux morts d'une commune, ceci en suivant l'ordre alphabétique de la liste des communes des Vosges (21 378 km cumulés à ce jour). Une saine occupation. J'ai indiqué le lien vers le site, mais il faut savoir que celui-ci n'est plus mis à jour depuis 2011. Philippe Didion n'a que peu de goût pour la chose numérique. Quand le copain qui gérait le site n'a plus eu le temps de le faire, il a laissé tomber, et désormais il faut s'abonner pour recevoir les notules par courriel, que le lascar maîtrise à peu près. Bon, mais me direz-vous, que vient faire ce vosgien sur ce blog berrichon consacré à une pièce sur la guerre de 14 ? Les monuments aux morts ? Non, simplement une courte chronique dans sa dernière livraison, que voici : MARDI. Lecture. Le livre de "Quinze Grammes", caporal (Jean Arbousset, Georges Crès et C., 1917, rééd. Aux éditions Obsidianes, 2013; 72 p., 12 €). Dans la masse de livres qui sortent à l'occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, il serait dommage que celui-ci passe inaperçu. Cette mince plaquette rassemble ni plus ni moins que les oeuvres complètes de Jean Arbousset, dit "Quinze Grammes", mort au combat le 9 juin 1918 à l'âge de 23 ans. Jean Arbousset fut appelé avec la classe 1915 alors qu'il s'apprêtait à intégrer l'Ecole Normale Supérieure, et on peut imaginer qu'un bon bagage littéraire accompagnait son paquetage quand il participa aux batailles d'Argonne, de Champagne, de la Somme, de l'Aisne et de Lorraine. A la lecture des poèmes qu'il composa au front et parvint à faire éditer en 1917, on devine aisément qu'il a lu Apollinaire, Cendrars, qu'il connaît Georges Fourest et Jean Richepin. Ses pièces prennent parfois une forme classique, la ballade, le sonnet, le rondeau, ailleurs on trouve des sortes de chansons et des textes de forme plus libre. Ce sont des instantanés, des scènes de la vie du soldat - la vue d'un cheval mort, la mort du sapeur dans la mine, l'ambulance qui ne peut embarquer les blessés parce que leur nombre ne suffit pas à la remplir - qui portent parfois quelques piques destinées aux gradés et aux embusqués de l'arrière. Une vingtaine de poèmes qui suffisent à tout dire de cette guerre et, parmi eux, une merveille. QUELQUES MOTS A ma mère. Lorsque la mort viendra chez vous, ouvrez toutes grandes vos portes, ouvrez vos portes avec amour et bénissez avec amour ce qu'elle apporte à celui qui n'est plus à vous : ces pleurs de l'amitié, ces fleurs de pitié dans la chambre blanche effeuillées en tapis de douceur où marchera son âme... Lorsque la mort viendra, comme une bonne femme tout simplement, tout bêtement, faucher un corps chez vous, aimez jusqu'au détail du funèbre décor, et si vous êtes pauvre vous aimerez encore jusqu'à ce triste bruit des clous dans le sapin, dans les planches jointes à peine, parce qu'il a manqué des sous pour un cercueil de chêne aux vis silencieuses comme des veilleuses. Et si le mort était un frêle poitrinaire, vous aimerez le lent calvaire de sa chair arrachée pétale par pétale aux ronces de sa route pâle. Car tous ceux-là sont morts dans le lit de famille leur mère, s'ils étaient enfants, et, s'ils étaient âgés, leur fille leur a serré les dents, clos les yeux et joui des moments du soin minutieux, presque dévot. Mais d'autres meurent dans la boue, sans bras, sans jambes et sans joues; on les enterre n'importe où, souvent on ne met rien du tout sur leur tombe. On les enterre là où ils tombent. Ceux qui ne les ont pas aperçus marchent dessus. Lorsque la mort viendra chez vous, ouvrez toutes grandes vos portes et bénissez cette joie forte de pouvoir vous mettre à genoux. Vauquois, 1915. Sur ce livre, on peut lire aussi cette chronique sur Lekti-Ecriture. Je voudrais signaler pour finir que, quoique vosgien, l'auteur aime à passer ses vacances en Creuse, après plusieurs séjours roboratifs à Mézières-sur-Issoire, en Haute-Vienne, le village où des moutons (en sculptures) broutent en liberté sur les trottoirs. Un tel esprit d'aventure ne peut que susciter notre sympathie. Ce matin, comme presque tous les matins, j'écoute France-info et je tombe sur Jacques Tardi, le dessinateur, à qui le Festival de la BD d'Angoulême va rendre hommage à partir de demain, par l'exposition "Tardi et la Grande Guerre". J'adore Tardi, et si ça continue je vais devenir aussi obsessionnel que lui sur la guerre de 14. Ce qui l'intéresse, ce ne sont pas les événements, le déroulé de la guerre, mais l'homme qui la fit, cette guerre, qui la subit pendant quatre ans, l'homme avec ses souffrances, ses révoltes, dans la boue des tranchées, sous le feu roulant de l'artillerie. A écouter donc, avec plaisir, Tardi parle clair et sans détour. L'émission. Cet après-midi, je découvre la violoncelliste Emmanuelle Bertrand qui donne une série de concerts-lecture avec des comédiens intitulée "Le violoncelle de guerre, Maurice Maréchal et le Poilu". Extrait de l'article de Culture box : "En 1914, Le jeune violoncelliste Maurice Maréchal a 22 ans lorsqu'il est appelé sur le front. Comme beaucoup de soldats, il s'ennuie dans les tranchées et passe son temps à écrire son quotidien sur ses carnets intimes de 1914 à 1919. Sur le front Maurice Maréchal se lie d'amitié avec deux autres soldats qui lui taillent un violoncelle ("le Poilu") dans le bois d'une caisse à munitions. L'instrument est rudimentaire mais il lui permet tout de même d'assurer les partitions musicales des offices religieux. Il rencontre d'autres musiciens avec qui il crée un petit ensemble qui se produit devant l'Etat-Major. Lorsque la talentueuse violoncelliste, Emmanuelle Bertrand découvre cette histoire, elle est émue et souhaite fait perdurer la mémoire d'un poilu musicien. Même si la plupart des enregistrements ont disparu, elle décide de rendre hommage aux mots et notes du grand musicien. Elle se fait alors fabriquer une réplique parfaite de l'instrument. Ce soir-là à Saint-Etienne, elle interprétait l'oeuvre musicale du compositeur avec "Le Poilu". Le comédien Christophe Malavoy lisait les textes des carnets intimes. " Pas écrit ici depuis quelques semaines. Est-ce à dire que c'est statu quo sur le projet ? Non, loin de là. Je m'en vais sur l'heure vous montrer le contraire, ça risque d'être un peu en vrac, mais le désir de tout ordonner me manque. Allons-y donc de manière décousue, comme s'il en allait d'une bonne vieille conversation où l'on se fiche bien de respecter un quelconque ordre du jour. Sur le front des lectures, après Ceux de 14, j'ai découvert Compagnie K, le grand classique américain de la guerre de 14, écrit par William March (1983 - 1954), publié en 1933, et seulement traduit cette année en français. Salué unanimement comme un chef d’œuvre, on se demande pourquoi une si longue traversée du désert. La teneur du livre n'y est sans doute pas pour rien : composé de 113 courts chapitres, chacun dévolu à un soldat ou à un officier de cette compagnie K qui prend part aux combats à partir de décembre 1917, il trace un portrait douloureux, sans concessions, des quelques mois terribles qui vont s'écouler jusqu'à l'armistice. Il témoigne en tout état de cause d'une sorte de transformation de l'esprit qui régnait alors sur le front. Je m'explique : alors que les combats sont aussi meurtriers, aussi abominables qu'en 1914 et 1915, que les souffrances sont aussi grandes, par exemple, que sur la colline des Eparges, les relations humaines, elles, se sont fortement dégradées. La confiance assez grande des hommes envers leurs officiers, l'attention, à quelques exceptions près, de ceux-ci pour ceux-là, semble avoir fait long feu dans les rangs de l'armée américaine. La suspicion, l'incompréhension, la haine ont remplacé les sentiments parfois presque filiaux qui unissaient les officiers à leurs hommes : dans le recoin d'une tranchée, un soldat n'hésite pas à tuer son lieutenant parce que celui-ci le harcèle de missions. De même, l'attitude envers l'ennemi a évolué. Si Genevoix parle sans détour des Boches, il existe encore un respect du soldat d'en face. La preuve en est qu'au plus fort de la bataille des Eparges, sous le feu roulant continuel des obus, la découverte d'un officier allemand au fond d'un puits ne déclenche pas d'hostilité particulière : l'homme est remonté, et l'on s'occupe dignement de lui. Au lieu que l'on assiste, chez March, à une scène terrible où des soldats allemands sont emmenés dans une carrière et liquidés purement et simplement. On aurait maintenant tort de penser que cette sorte de traitement n'existait que dans les troupes US. Ceci semble bien illustrer la théorie de la brutalization, formulée par George Moss, et que reprend dans un entretien l'historienne Annette Becker dans le Hors-série de l'Express consacré à la guerre : " Comprendre 14-18 passe par l'idée de "brutalization", un concept inventé par l'historien américain George Moss au milieu des années 1960, mal traduit en français par le mot "brutalisation" (mieux vaudrait employer le néologisme "ensauvagement"). Dans un livre majeur, The Nationalization of the Masses, qui n'a curieusement jamais connu d'édition française, Moss explique le processus mental du fascisme et du nazisme par la généralisation de la violence à toute la société. D'abord on subit la brutalité organisée, puis le fait de se trouver dans des conditions extrêmes vous rend vous-même brutal. Là réside l'une des clés du premier conflit mondial. C'est là aussi que le bât blesse : nous avons du mal à accepter que nos aïeux aient été eux-mêmes brutaux." Bon. Parlons maintenant du projet proprement dit. L'Assemblée générale du Manteau d'Arlequin a eu lieu récemment, et j'en ai donc profité pour présenter au public présent les linéaments de cette nouvelle mouture. A ma grande satisfaction, j'ai pu le soir-même compléter ma patrouille de poilus. Les rôles des quatre soldats de la première scène, le personnage principal et les trois acolytes qui deviendront les trois comédiens du Capitaine Fracasse, sont maintenant attribués. La distribution de manière plus générale commence à prendre forme. Il est encore trop tôt pour la dévoiler, mais sachez qu'elle en bonne voie. J'ai eu aussi le plaisir de recevoir le projet d'affiche de mon ami Christophe Bailly. Dont je ne vois pas de raison valable de le garder secret plus longtemps. D'autres projets peuvent être présentés - j'encourage tous ceux que ça intéresse à se mettre à l’œuvre - mais celui-ci est d'ores et déjà une bien belle réalisation. Vous aurez peut-être reconnu la photo qui accompagne le texte de la page d'accueil du site. Cette photo m'accompagne depuis longtemps, depuis 2005, où elle m'avait été confiée par l'ami Bernard. Le jeune poilu assis à droite n'est autre que son grand-père. Son regard doux, l'ombre de moustache , ses mains sagement posées sur le pantalon, tout cela formait comme un contrepoint aux regards plus durs ou plus farouches des trois autres soldats. La coïncidence de cette photo avec le texte déjà écrit au moment où j'ai touché ce cliché m'avait déjà donné envie d'en faire le support visuel du spectacle. Le travail graphique de Christophe, le jeu des couleurs donnent encore plus de puissance à ce quatuor. Pour en revenir aux sources documentaires, je signale que j'ai déposé d'autres ressources sur la partie Documentation. D'excellents sites ne cessent de voir le jour autour de la Grande Guerre. Des documents étonnants sont exhumés comme ce film de la BDIC, visible sur le site de la Mission Centenaire, Après les combats de Bois-le-Prêtre. Les combats de Bois-le-Prêtre ayant eu lieu de septembre 1914 à juillet 1915, on se trouve bien ici en été 1915. La séquence qui ouvre le film est éloquente : on y voit les soldats empiler les cadavres sur une charrette, comme s'il s'agissait d'une tâche routinière. L'horreur de cette bataille a inspiré une chanson, évoquée dans le Hors-série de Télérama, 14/18, L'onde de choc dans la culture française, et dont voici le deuxième couplet : On est terré comme un renard, On est tiré comme un canard, Si l'on sort, gare au traquenard Où l'on s'empêtre ..... Dès que l'on quitte son bourbier On reçoit un lingot d'acier, Car l'on est chasseur et gibier Au Bois- le-Prêtre ! Voilà. Pas très gai, tout ça, me dira-t-on. Je le reconnais, c'est parfois éprouvant de regarder la réalité en face. Il reste que ce côté tragique ne résume pas tout le spectacle. J'aurai l'occasion quelque jour de développer ses aspects plus légers, quasiment de comédie par-delà la mort omniprésente.
"Beaucoup de livres sortent en ce moment sur la guerre 14-18, et certains excellents bien sûr, mais si vous ne deviez lire qu'un seul volume sur cette tragédie, je vous conseille sans hésiter celui-ci. Oui, lisez Louis Barthas." Les carnets du tonnelier Louis Barthas sont d'un intérêt majeur, mais aujourd'hui je n'écrirai plus cette phrase. C'est que je n'avais pas encore lu Ceux de 14, le recueil réédité des cinq récits que Maurice Genevoix consacra à la guerre, dans laquelle il fut plongé entre août 1914 et le 25 avril 1915, jour où il fut grièvement blessé sur la crête des Eparges, et dut quitter pour toujours le combat. Or ce livre est prodigieux. Ce livre est d'un immense écrivain, et il est juste de dire qu'il n'a pas encore été reconnu à sa juste valeur. Certes, Maurice Genevoix a eu les honneurs de l'Académie française, son Raboliot a été un personnage ô combien célèbre dans la France encore profondément rurale du milieu du XXème siècle, les livres de lecture de l'école communale lui octroyant une large place, mais ces titres de gloire furent autant de désavantages et de griefs pour les générations suivantes. Pour ne parler que de la mienne, Genevoix n'avait rien d'enthousiasmant, le dédain prévalut. Quant aux jeunes générations, je me demande même si le nom leur dit encore quelque chose. Comment s'en étonner quand Michel Bernard, l'auteur de la remarquable préface à cette réédition, rappelle que ce sont les historiens qui ont sauvé de l'indifférence son œuvre de guerre : "Du côté des littéraires, écrivains et universitaires, c'est l'accablant silence d'une quasi-ignorance. Le séjour au front des poètes et romanciers, qui a bouleversé leur vie et leur œuvre, c'est le plus souvent deux ou trois lignes dans la plupart des études biographiques. L'anathème d'André Gide sur les journaux et témoignages de guerre, qu'à ses yeux leur objet même excluait du champ de la littérature, s'est imposé jusqu'à nos jours et persiste." Au contraire de Louis Barthas, Genevoix part à la guerre sans aucune arrière-pensée, sans réticence intime. Sous-lieutenant, il se sent totalement justifié de conduire ses hommes au combat contre une puissance étrangère perçue sans ambages comme agressive et illégitime. Son patriotisme est sans mélange, mais il est remarquable que jamais ce sentiment ne l'empêche de percevoir avec acuité les réalités diverses de la guerre. Les Allemands, comme tout le monde, il les appelle les Boches, mais il décrit ce uhlan observé à la jumelle qui donne à boire à deux prisonniers français. Il vante le courage physique de ses hommes mais il n'hésite pas non plus à décrire les scènes de panique, où les soldats français fuient le front comme des lapins affolés. Cette sincérité lui vaudra d'être multiplement censuré à la sortie de son premier livre, Sous Verdun, en 1916. La force de Genevoix c'est sa sincérité. Qu'on lise donc un ou deux de ces historiques de régiment, qui retracent les marches, les parcours, les combats, les deuils et comparez avec Genevoix. Leurs rédacteurs sont passés par les mêmes épreuves et pourtant quelles différences entre ces secs comptes rendus, qui ne concèdent au lyrisme que le temps d'une ode hypocrite à la bravoure, et la prose vivifiante, si précise, si chargée d'humanité, du jeune homme de vingt-trois ans. «La mort du soldat au feu est grandiose dans sa simplicité, des balles qui sifflent, des obus qui éclatent, des braves qui tombent et entrent dans l'immortalité en jetant sur le Drapeau un rayon de gloire et de splendeur." Colonel SIMON. Berru, 2 Septembre 1914. Non, la mort du soldat au feu n'est pas grandiose. Ne tombant jamais dans cette rhétorique si courante à l'époque, Genevoix en restitue l'âpre réalité en maints passages poignants : l'un de ceux qui m'ont le plus marqué est daté du 19 février 1915 : Depuis lors c'est toujours la même chose. Je demeure accoté à la paroi de la tranchée, une flaque d'eau jaune entre les jambes. Appuyé contre moi, à gauche, Lardin, du seul poids de son corps, a marqué sa place dans la boue ; de l'autre côté, Bouaré me pousse mollement de son épaule inerte. Après Lardin, c'est Biloray ; après Bouaré, c'est Perrinet ; après Biloray et Perrinet, je ne vois plus. Les obus tombent ; tout se réduit à cela, qui ne s'interrompt jamais. Il y a des instants où l'on a peine à concevoir cette réalité continue, cette persistance prodigieuse du vacarme, ce tremblement perpétuel du sol sous de tels coups multipliés, et cette odeur de l'air, suffocante, corrosive, et ces fumées toujours écloses et dispersées, écloses encore ici ou là, quelque part où on les voit toujours. Manger ? Dormir ? Cela n'a même plus de sens. (...) (p. 744) Dans cet enfer, Maurice Genevoix écrit que la notion du temps est perdue. Je dis enfer, je répète enfer après bien d'autres (le Hors-série de l'Express sur la Grande Guerre est ainsi sous-titré "Quatre années d'enfer"), mais ce mot n'est-il pas une facilité ? Genevoix, significativement, ne l'emploie pas, c'est par mille détails qu'il le donne à voir. L'enfer, ce peut être le retour obsessionnel d'une petite flaque jaune :
(...) le ciel, au-dessus de nous, demeure immuablement gris entre deux levées d'argile ; par intervalles, une petite pluie glacée les couvre d'un ruissellement triste, et la flaque jaune tremblote entre mes jambes. (p. 747) L'interminable attente sous les obus (il n'est pas un seul moment question de quitter son poste, ce serait considéré comme une désertion), ce temps résigné, étiré à l'infini de la fatigue, l'écrivain la fait éprouver par ces longues pages hallucinées où se mêlent l'horizon strictement borné des soldats dans la tranchée et les imaginaires surchauffés : C'est pourtant vrai, ça qu'il disait", murmurait Bouaré près de moi. Nous regardons la flaque d'eau qui frissonne, les mottes de terre, l'une de toutes ces places précises où tombera forcément un obus. "C'est pourtant vrai..." Nous le croyons. De plus en plus souvent, à mesure que croît notre fatigue, des images fiévreuses jaillissent avec les éclatements : sauter, tout le corps en lambeaux ; retomber sur le parapet, le dos crevé comme Legallais ; n'avoir plus de tête, la tête arrachée d'un seul coup, comme celle de Grondin, celle de Mémasse, celle de Libron qui vient de rouler chez nous, lancée chez nous par l'entonnoir voisin dans son passe-montagne de laine brune ; éparpiller de motte en motte ces petites choses poisseuses qu'on pourrait ramasser en étendant la main, et qui viennent d'où, et appelaient de quel nom ? Desoignes ? Duféal ? ou Moline ? (pp. 750-751) Il décrit l'horreur sans employer le mot, ou un autre équivalent, nous laissant la tâche d'imaginer à notre tour, et d'éprouver, si peu que ce soit par rapport à ce qui fut vraiment vécu mais au moins par une sorte d'écho lointain qui résonne dans notre propre diaphragme, d'éprouver, dis-je, la stupeur et l'effroi. C'est là qu'est le supplice, dans cette chaîne d'instants informes, que rien ne sépare, que rien ne mesure, qui sont tous la même pluie sans fin, l'épaule tremblante de Bouaré, la flaque jaune entre mes jambes, et ces images précipitées, cette fièvre bruissante et battante d'images à travers mon cerveau. (p. 753) Et la nuit qui tombe ne supprime que la vision de la tranchée, elle n'apporte nul repos, nul répit dans l'angoisse : La nuit rôde entre les vols tombants des obus. La troisième ? La quatrième ? C'est pareil. Jusqu'à demain je ne verrai plus la flaque jaune, ni la terre soulevée qui s'affaisse et s'étale, noire encore et brûlée sous le délayage de la pluie ; ni les cadavres,ni les fumées, ni les débris tournoyants et sombres qui retombaient du haut du ciel... Seulement nous blottir tous les trois sous nos toiles de tente rapprochées, contre mon épaule droite l'épaule tremblante de Bouaré, contre mon épaule gauche l'épaule inerte de Lardin.... (p. 755) Un peu plus tard, dans le jour revenu, le 20 février donc, il apprend la mort de son ami, le lieutenant Robert Porchon (à qui il dédia le premier volume de l’œuvre). Cela ne m'a saisi que longtemps après, dans le creux d'argile mouillée où j'étais revenu m'asseoir, entre Lardin et Bouaré : une froideur dure, une indifférence dégoûtée pour toutes les choses que je voyais, pour l'ignominie de la boue et la misère des cadavres, pour le jour triste sur la crête, pour l'acharnement des obus. (...) Quel sens ? Tout cela n'a pas de sens. Le monde, sur la crête des Eparges, le monde entier danse au long du temps une espèce de farce démente, tournoie autour de moi dans un trémoussement hideux, incompréhensible et grotesque. (p. 758-759) C'est alors, écrit-il, que ce 210 est tombé. Il croit mourir, éviscéré, mais par une sorte de miracle (et encore une fois Genevoix n'emploie pas ce mot qui vous vient naturellement sous la plume), il n'en est rien : Qu'est-ce qui appuie sur moi, si lourd, et m'empêche de me lever ? Mon front saigne : ce n'est rien, mes deux mains sont criblées de grains sombres, de minuscules brûlures rapprochées ; et sur cette main-ci, la mienne, plaquée chaude et gluante une langue colle, qu'il me faut secouer sur la boue. Je suis libre depuis ce geste ; et je puis me lever, maintenant que le corps de Lardin vient de basculer doucement. Il mangeait, un quignon de pain aux doigts ; il n'a pas changé de visage, les yeux ouverts encore derrière les verres de ses binocles ; il saigne un peu par chaque narine, deux minces filets foncés qui vont se perdre sous sa moustache. Petitbru passe, à quatre pattes, poussant une longue plainte béante ; Biloray passe, debout, à pas menus et la tête sur l'épaule ; le sang goutte au bout de son nez ; il va, les bras pendant le long de son corps, attentif et silencieux, comme s'il avait peur de renverser sa vie en route... Je suis debout. Derrière la place creuse de Bouaré, Perrinet est mort, coupé en deux, une volée d'éclats en plein ventre. (...) Bouaré est mort sur le parados, les bras et les jambes détendus, immobile... Plus personne. (...) Je ne peux tout de même pas, seul vivant, rester dans cette tranchée pleine de morts ! (p. 760-761) Et il redescendra, prendra même le commandement de la compagnie, et d'autres pages terribles s'écriront. J'arrête là, j'espère simplement avoir donné un aperçu significatif de ce qui se donne à lire dans Ceux de 14. Mais il ne faudrait pas oublier aussi, outre les descriptions si saisissantes de la montée au feu, les magnifiques notations de nature qui parsèment l'ouvrage. Car la guerre c'est aussi de longues périodes de cantonnement, d'attente à l'arrière des lignes, la guerre c'est aussi la rencontre avec des paysages, des animaux, des ciels et des aurores. Et en cela Genevoix excelle. C'est un poète, un grand poète, quand bien même il n'a pas écrit un seul vers, car c'est toute sa prose qui irradie de poésie. D'ailleurs un critique aussi avisé que Jean-Louis Bory ne s'y est pas trompé, à qui je laisserai le dernier mot : « Toute l’œuvre de Genevoix est poésie, qui est sans cesse transposition, grâce au style, de la réalité brute sur le plan de l’évocation « merveilleuse », émerveillée. Poésie assurément descriptive, voire picturale, accordant à la vision du réel une place essentielle ; mais à la lucidité de cette vision s’ajoute un frémissement sourd, cette transe immobile qui pourrait être aussi bien celle du chasseur à l’affût ou de la bête alertée que celle de l’artiste en proie à la création – et qui est proprement le frisson lyrique. (…) Avec la suprême pudeur qu’est ce style mesuré, équilibré, discrètement harmonieux et se refusant aux jongleries de la virtuosité, Genevoix a suscité, au-delà du réalisme, une poésie panique qui métamorphose en êtres également vivants d’une vie également naturelle et profonde l’arbre, la bête, l’homme, le fleuve – et l’auteur lui-même : « J’ai été Rroû, dit-il, j’ai été le Cerf Rouge ». Genevoix apparaît comme un des grands lyriques de la prose contemporaine. » |