Regardé ce soir, une fois n'est pas coutume, Bibliothèque Médicis, l'émission de Jean-Pierre Elkabbach sur la chaîne Public Sénat. Il faut dire que le thème en était la Grande Guerre : des historiens étaient invités, une biographe d'Apollinaire, un général président de la Mission du Centenaire ainsi que, tiens donc, Jean-François Copé, dont le moins que je puisse dire est qu'il m'inspire peu de sympathie. Elkabbach précisa que plus de cent cinquante livres sont déjà sortis sur la guerre 14-18. Risque-t-on l'indigestion ?
Ce n'est pourtant pas mon avis. Oui, on va en parler beaucoup de cette guerre mais, contrairement à ce que certains pensent, je veux parier que l'intérêt pour elle sera grandissant. Je suis bien d'accord pour observer qu'il existe une certaine inflation commémorative ces dernières années, mais cette Grande Guerre n'est pas n'importe quel événement. Elle signe par exemple l'avènement des États-Unis comme grande puissance et elle précipite la Révolution russe avec toutes ses conséquences. Mais cela reste surtout une terrible expérience humaine, un traumatisme collectif immense, ce fut avant tout un abîme où furent sacrifiés des millions d'hommes, souvent en pleine jeunesse. Comme le dit justement le général de l'émission, il ne s'agit pas de fêter, ni de célébrer, mais d'honorer la mémoire de ces poilus qui vécurent l'enfer sur terre.
Je ne pensais pas m'attarder devant l'écran et puis j'ai tout regardé. Même Copé (auteur d'un livre sur la Bataille de la Marne) était pertinent, qui avait oublié la politique : il fallait l'entendre évoquer la place des femmes dans le conflit et regretter que le droit de vote ne leur ait pas alors été accordé, bien qu'elles aient su prendre, et avec quel courage, la place des hommes absents.
Outre un jeune historien brillant, André Loez (qui sort rien moins que deux volumes sur la question dont l'un - Les cent mots de la Grande Guerre, dans la collection Que sais-je ? - s'ouvre avec le mot alcool et finit par zeppelin), était présent Jean-Noël Jeanneney dont je voulais déjà rapporter ici un extrait de l'entretien qu'il a mené avec Pierre Nora dans Le Monde des Livres du 11 octobre.
Je ne pensais pas m'attarder devant l'écran et puis j'ai tout regardé. Même Copé (auteur d'un livre sur la Bataille de la Marne) était pertinent, qui avait oublié la politique : il fallait l'entendre évoquer la place des femmes dans le conflit et regretter que le droit de vote ne leur ait pas alors été accordé, bien qu'elles aient su prendre, et avec quel courage, la place des hommes absents.
Outre un jeune historien brillant, André Loez (qui sort rien moins que deux volumes sur la question dont l'un - Les cent mots de la Grande Guerre, dans la collection Que sais-je ? - s'ouvre avec le mot alcool et finit par zeppelin), était présent Jean-Noël Jeanneney dont je voulais déjà rapporter ici un extrait de l'entretien qu'il a mené avec Pierre Nora dans Le Monde des Livres du 11 octobre.
Est-ce trop tôt pour savoir quel tour va prendre la commémoration de la Grande Guerre ?
Il est trop tôt, mais il me semble qu'il va y avoir une forte mobilisation politique. C'est d'ailleurs assez curieux. Prenons les deux commémorations qui s'annoncent : la guerre de 1914 et la Libération en 1944. Au départ, on croyait que celle de la Grande Guerre allait être purement historique, puisqu'il n'y avait plus aucun témoin vivant, et que celle de la Libération serait émotionnelle, célébrant une mémoire encore très proche à la fois pour les Français et pour ceux qui avaient été directement éprouvés - avec, au fond, cette célébration de la Shoah qui est comme emblématique de l'horreur de masse de la seconde guerre mondiale. Eh bien, il me semble, mais c'est une pure hypothèse - que l'on observe un peu le commencement du contraire. C'est-à-dire que la commémoration de 1914 va être en fait très mémorielle et soulever une émotion à laquelle on ne s'attendait pas : on y retrouve, il est vrai, la matrice de toutes les tragédies du XXè siècle. Elle continue, par là, à concerner tout le monde et le deuil y prend non seulement une valeur personnelle, mais une valeur émotive pour tous. La commémoration de 1944 va être, sans doute, très disputée historiquement, parce que la guerre, l'Occupation, la Libération ont laissé les Français très divisés.
Jean-Noël Jeanneney est également l'auteur de deux livres : La Grande Guerre si loin, si proche. Réflexions sur un centenaire, Le Seuil, 176 p., 16 euros, et Jours de guerre :1914-1918 , Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior, aux Editions Les Arènes, 500 p., 49, 90 euros, où il commente 800 photos inédites du journal Excelsior.