Le temps est tout proche où le travail va devenir quotidien, où la pièce va peu à peu devenir, je le sais, le principal sujet de mes pensées, pour ne pas dire mon obsession. Ce n'est pas encore le cas (et il est vrai qu'il me reste encore une semaine de mon autre travail et qu'il me faut boucler certains projets), mais je sens bien que ça se précise.A l'heure où j'écris, des trombes d'eau se déversent sur Châteauroux. Dieu merci, nous avions encore beau temps hier soir, pour la deuxième répétition des poilus. J'étais heureux de voir que les textes étaient sus, et nous avons pu procéder à une première mise en place sur le site même.
Pas d'éclairage encore, alors nous avons dû nous replier sur la salle Ivanhoé pour répéter les scènes Paul/Merlin. Fini à minuit.
Auparavant, à La Châtre, je suis allé visiter au Musée George Sand La Musique au fusil l'exposition consacrée aux instruments de musique fabriqués par les soldats pendant la guerre. J'y allai presque par obligation professionnelle, mais j'y ai pris en fait beaucoup d'intérêt : il y a quelque chose de particulièrement émouvant dans ces violons confectionnés parfois à partir de grosse boîtes de cigares, ces flûtes taillées dans les douilles des obus, ces mandolines bricolées dont le seul nom jure déjà avec l'idée même de la guerre. C'est la joie proclamée au cœur même du désastre, la merveilleuse inventivité humaine quand elle ne s'exerce pas à imaginer de nouveaux engins de mort. J'étais le seul visiteur et le premier à inscrire un mot sur le livre d'or de l'exposition, pourtant ouverte depuis le 7 juin. Le berrichon est-il indifférent à la musique du poilu ? Est-il déjà saturé par la commémoration ?
On peut encore écouter sur France-Inter une émission consacrée à la musique dans les tranchées, avec Claude Ribouillault, le concepteur de l'exposition de La Châtre.
Acheté aussi à La Châtre La Grande Guerre des écrivains, D'Apollinaire à Zweig, une anthologie de textes rassemblés et présentés par Antoine Compagnon. Une somme de huit cent pages dont j'aurai sans doute l'occasion de reparler (je ne suis pas encore saturé). La préface d'Antoine Compagnon, dont j'ai parcouru les premières pages, est remarquable :
«Toute écriture de la guerre, y compris la composition d’une anthologie, passe par une descente aux enfers, impose une épreuve expiatoire, entraîne la rencontre de nos fantômes, et l’on ne revient pas indemne d’une telle expédition. Parce que nous, hommes et femmes de ce début du XXIe siècle, avons longtemps nié la guerre, elle qui était la compagne infaillible de nos parents, de nos ancêtres depuis des générations ou même depuis toujours, sa représentation, fût-ce dans les livres, reste affreusement poignante. Notre chance a été de ne pas la fréquenter, de n’avoir pas eu à lui payer tribut, et c’est pourquoi nous nous retrouvons si démunis devant sa monstruosité. Il serait bien sûr indécent de comparer l’expérience du lecteur à celle du combattant, mais je voudrais que celle-là ait tout de même quelque chose d’approchant de celle-ci, que la lecture provoque une commotion, un sursaut d’anxiété, du dégoût et de la haine.»
Pas d'éclairage encore, alors nous avons dû nous replier sur la salle Ivanhoé pour répéter les scènes Paul/Merlin. Fini à minuit.
Auparavant, à La Châtre, je suis allé visiter au Musée George Sand La Musique au fusil l'exposition consacrée aux instruments de musique fabriqués par les soldats pendant la guerre. J'y allai presque par obligation professionnelle, mais j'y ai pris en fait beaucoup d'intérêt : il y a quelque chose de particulièrement émouvant dans ces violons confectionnés parfois à partir de grosse boîtes de cigares, ces flûtes taillées dans les douilles des obus, ces mandolines bricolées dont le seul nom jure déjà avec l'idée même de la guerre. C'est la joie proclamée au cœur même du désastre, la merveilleuse inventivité humaine quand elle ne s'exerce pas à imaginer de nouveaux engins de mort. J'étais le seul visiteur et le premier à inscrire un mot sur le livre d'or de l'exposition, pourtant ouverte depuis le 7 juin. Le berrichon est-il indifférent à la musique du poilu ? Est-il déjà saturé par la commémoration ?
On peut encore écouter sur France-Inter une émission consacrée à la musique dans les tranchées, avec Claude Ribouillault, le concepteur de l'exposition de La Châtre.
Acheté aussi à La Châtre La Grande Guerre des écrivains, D'Apollinaire à Zweig, une anthologie de textes rassemblés et présentés par Antoine Compagnon. Une somme de huit cent pages dont j'aurai sans doute l'occasion de reparler (je ne suis pas encore saturé). La préface d'Antoine Compagnon, dont j'ai parcouru les premières pages, est remarquable :
«Toute écriture de la guerre, y compris la composition d’une anthologie, passe par une descente aux enfers, impose une épreuve expiatoire, entraîne la rencontre de nos fantômes, et l’on ne revient pas indemne d’une telle expédition. Parce que nous, hommes et femmes de ce début du XXIe siècle, avons longtemps nié la guerre, elle qui était la compagne infaillible de nos parents, de nos ancêtres depuis des générations ou même depuis toujours, sa représentation, fût-ce dans les livres, reste affreusement poignante. Notre chance a été de ne pas la fréquenter, de n’avoir pas eu à lui payer tribut, et c’est pourquoi nous nous retrouvons si démunis devant sa monstruosité. Il serait bien sûr indécent de comparer l’expérience du lecteur à celle du combattant, mais je voudrais que celle-là ait tout de même quelque chose d’approchant de celle-ci, que la lecture provoque une commotion, un sursaut d’anxiété, du dégoût et de la haine.»
J'aime arpenter les plateaux vides avant la représentation, ici le plateau ce sont les ruines de la forteresse, encore vierges de toute installation, livrées aux herbes et aux fleurs. Quelques vues de ce 27 juin, à l'heure où les ombres s'allongent au pied des murailles.